mardi 13 janvier 2009

Phosphore blanc : Tsahal n'éteint pas la polémique

Depuis le 27 décembre 2008, date du début du conflit à Gaza, l’opération baptisée "Plomb durci" aurait fait plus de 930 victimes palestiniennes. Un collectif d’une soixantaine d’associations, dont le MRAP, a porté plainte lundi pour "crime de guerre contre la population palestinienne".

Tsahal prend-t-il toutes les précautions possibles pour protéger les civils gazaouites ? Non, selon l’organisation humanitaire Human Rights Watch (HRW), qui a fustigé samedi dernier l’emploi de munitions au phosphore blanc par Israël.

Les obus au phosphore sont des projectiles incendiaires qui dégagent une intense fumée blanche permettant de couvrir l’assaut de ses soldats. Seul l'absence d'oxygène peut mettre fin à la combustion de la gerbe.

Un missile tiré par les militaires israéliens explose dans le ciel.
Nord de la bande de Gaza, 3 janvier, AP Photo/Bernat Armangue.

Le caractère fumigène des bombes à phosphore fait de ces munitions des armes stratégiques, employées notamment par les Etats-Unis en 1944 sur Cherbourg, et durant la guerre du Viêt-Nam, où le phosphore blanc, White Phosporus (WP) en anglais, acquiert son surnom de "Willy Pete".

Skake ‘n bake

Plus récemment, les GI’s ont employé le "Willy Pete" au cours de l’attaque de Falloujah (Irak) en novembre 2004. Problème : loin de servir de camouflage, l’arme est utilisée pour débusquer les insurgés de leur cache et les exposer aux tirs de l’artillerie. La tactique du Skake ‘n bake ("secouer et cuire" en anglais) est assumée par trois gradés américains , auteurs de l’article "The fight for Fallujah" ("Le combat pour Fallujah", télécharger ici en PDF), parus dans les colonnes de la revue de l’armée américaine au printemps 2005. Le WP y est qualifié de "puissante arme psychologique", citation relayée par l'analyse de la BBC.

Pour le premier anniversaire de l’assaut sur Falloujah, la télévision italienne, la RAI, a diffusé le documentaire de Sigfrido Ranucci et Maurizio Torrealtan, intitulé "Le massacre caché de Falluja", dans lequel Jeff Englehart, ex soldat US, témoigne.



Face aux images, le Pentagone reconnaîtra l’emploi du "Willy Pete". L’usage par Tsahal du phosphore blanc ne serait pas sans précédent : en 2006, l’armée israélienne a reconnu l’emploi du phosphore blanc lors de l’opération baptisée… "Pluie d’été" au Liban.

4 000 habitants au km2

De la même façon que rien n’empêche les USA d’utiliser le phosphore blanc, Israël ne violerait aucun traité international si l’usage de ce qui rappelle le napalm, était avéré. Israël n’est pas signataire de la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. Adopté à Genève en 1980 et entré en vigueur trois ans plus tard, le texte statue sur les armes incendiaires au sein de son Protocole III.

L’article 2 prévoit l’interdiction "(…) de faire de la population civile en tant que telle, de civils isolés ou de biens de caractère civil l'objet d'une attaque au moyen d'armes incendiaires", de la même façon qu’il est interdit en toute circonstances "de faire d'un objectif militaire situé à l'intérieur d'une concentration de civils l'objet d'une attaque au moyen d'armes incendiaires (…)".

C’est ici que le bât blesse : le phosphore blanc ne permet pas de frappes chirurgicales. L’ONG HRW explique dans un communiqué que "(...) la possibilité de blesser des civils (à Gaza) est plus importante du fait de la forte densité de population (...), parmi les plus élevées du monde", i.e. plus de 4000 habitants au km2.

L’argument a convaincu la France qui s’est associée à HRW pour appeler Israël à renoncer aux obus incendiaires "du fait notamment de leur toxicité et de la densité de la population à Gaza", comme l’a indiqué hier le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Eric Chevallier.

Cobayes

L’appel est un vœu pieux, car Israël ne reconnaît pas explicitement l’usage du phosphore blanc. Mark Regev, porte-parole du premier ministre Ehud Olmert, a affirmé que Tsahal n’utilisait que des armes légales, identiques à celles employées par les armées occidentales, "(…) y compris par les membres de l’Otan", a-t-il insisté.

L’officiel ne sera pas contredit par les journalistes, empêchés de pénétrer à Gaza, mais par les médecins et humanitaires, les seuls au contact des victimes civiles palestiniennes. Le docteur Youssef Abou Rich de l'hôpital Nasser, à Khan Younès, est formel : il a été confronté aux ravages particuliers du phosphore blanc. Il raconte à l’AFP que 55 personnes vivant près du village de Khouzaa (sud de la bande de Gaza), ont été admises pour des brûlures, des difficultés respiratoires et des irritations de la gorge et des yeux, causées par la fumée blanche de bombardements survenus dimanche, après minuit. Le témoignage du Palestinien est à ajouter aux témoignages des victimes qui ont vu leur membres fondre, leur peau se décoller au contact d’une fumée blanche. Surtout, deux médecins occidentaux ont dénoncé l’utilisation d’un nouveau type d’explosifs, particulièrement dévastateurs, faisant des civils gazaouites, les cobayes de Tsahal.

Dense Inert Metal Explosive

Mas Gilbert et Erik Fosse n’ont pas attendu pour témoigner : la conférence de presse que les deux docteurs ont tenu à leur retour de Gaza, a eu lieu à l’aéroport Gardermoen d’Oslo. A Gaza depuis le 31 décembre pour le compte de l'association humanitaire norvégienne NORWAC, une organisation non-gouvernementale pro-palestinienne, ils pensent avoir fait face à une arme d’un nouveau genre, appelée DIME, pour Dense Inert Metal Explosive.

Mas Gilbert (g) et Erik Fosse (d), Oslo, 2009, AFP.

"Nous n'avons pas vu de brûlures au phosphore, ni de blessés par bombes à sous-munitions", ont-ils déclaré à l'AFP, mais, "(...) un certain nombre d'amputations extrêmement brutales (...) sans blessures par éclats (…)", parmi les blessés admis à l'hôpital Al-Shifa de Gaza, où ils ont travaillé. L’AFP explique que "Les armes DIME combinent un explosif, des particules de carbone et une poudre d'un alliage de métaux lourds et de tungstène (…) qui sert à contenir le souffle de l'explosion dans un rayon relativement restreint afin de limiter les dommages collatéraux.

Voilà peut-être pour Tsahal, la réponse au manque de précision du phosphore blanc...

E. B.

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