mardi 13 janvier 2009

Obama et l'offensive à Gaza: ce que son silence veut dire


Barack Obama rencontre le président israélien Ariel Sharon lors de sa visite en Israël en juillet 2008 (David Katz/Obama for America)

Samedi 27 décembre 2008. Barack Obama est à Hawaï. En vacances. Au même moment, la trêve se brise à Gaza. En guerre. Israël fait parler le plomb dans ce territoire palestinien. Ses avions bombardent des dizaines de sites présumés du mouvement islamiste Hamas. Ce 27 décembre, le président américain élu enregistre son message hebdomadaire. Il parle de crise économique, du « siège vide » à la table des foyers américains dont un proche fête Noël au loin. Rien sur Gaza, ou peut-être cette leçon d’optimisme en guise de conclusion : « L'espoir perdure, et la paix peut toujours renaître. »

Le futur président sait qu’il sera bientôt sommé de se prononcer sur l’offensive israélienne, le Hamas et la paix au Proche-Orient. Il connaît l’exercice pour l’avoir souvent affronté lors des primaires démocrates et de sa campagne électorale. Pendant onze jours, jusqu’au 6 janvier 2009, il choisit la première des prudences : le silence. Sans doute se souvient-il des polémiques qu’avaient suscitées ses déclarations de campagne. Ses adversaires l’ont tantôt qualifié de « candidat du Hamas » ou de « girouette » sur un dossier majeur de politique étrangère américaine.

Un bref inventaire de trois ans de déclarations sur la question met en lumière le « problème israélien » d’Obama (l’expression est courante chez les éditorialistes américains) : A force de prudence, la position du sénateur devenu candidat, puis président, risque l’ambiguïté.

L'avant-campagne: Le sénateur Obama « coude à coude » avec Israël

Comme la plupart de ses collègues démocrates sur Capitol Hill, le sénateur Obama pointe du doigt l’indolence de l’administration Bush sur le dossier israélo-palestinien. Plus que sa voix, ce sont d’abord ses votes qui portent ses positions. Lorsqu’Israël affronte le Hezbollah libanais à l’été 2006, Barack Obama vote une résolution qui soutient le droit du premier à l’autodéfense et condamne le second, en même temps que le Hamas palestinien. La même année, le sénateur soutient la Loi contre le terrorisme palestinien au Congrès. Le texte dénie tout contact ou aide internationale au Hamas tant que ce dernier refuse de reconnaître Israël, de désarmer et d’abandonner la violence.

En février 2007, Barack Obama ne fait pas plus mystère de ses ambitions présidentielles que de son soutien à Israël. Lors d’un discours au Conseil national démocrate juif (NJDC), il promet ainsi : « Lorsque je serai président, les Etats-Unis se tiendront coude à coude avec Israël. » En retour, le NJDC lui reconnaît un « parfait historique de vote pro-Israël au Sénat » et soutient sa candidature à la Maison-Blanche.

Quatre mois plus tard lors d’un sommet en Egypte, Barack Obama précise son sentiment. Jugeant que « l’absence de leadership américain dans le passé a ouvert la porte aux extrémismes en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza », il défend un « leadership présidentiel direct » pour « s’assurer que les Européens maintiennent leur isolation du Hamas, pousser l’Egypte à faire tout ce qui est possible pour prévenir la contrebande d’armes à Gaza et pour encourager les autres Etats arabes à apporter leur soutien politique au Président (palestinien Mahmoud) Abbas et au Premier ministre (Salam) Fayyad ainsi qu'une aide humanitaire aux Gazaouis qui ne passe pas par les institutions du Hamas. » Dans un discours à Cleveland en février 2008, il réitère sa position à l’égard des islamistes palestiniens (pas de contacts tant que le Hamas se refuse à reconnaître Israël et à délaisser la violence).

Première controverse: La position du candidat Obama sur le Hamas

Or, c’est sur cette cible que les adversaires d’Obama lanceront leurs flèches. Il y a d’abord le soutien revendiqué de nombreux Palestiniens de Gaza, parfois membres ou soutiens du Hamas, pour sa candidature à la Maison-Blanche. La chaine de télévision arabe Al-Jazeera consacre un reportage au sujet en mars 2008.



Nouveau tollé lorsqu’Obama déclare « comprendre » ces soutiens dans un entretien au magazine The Atlantic : « Il est concevable que certains dans le monde arabe se disent ‘Voici un homme qui a passé un certain temps dans le monde musulman, dont le deuxième prénom est Hussein et qui semble plus conscient du monde et a appelé à parler aux gens, et qui ne s’engagera donc pas dans la même genre de diplomatie cowboy que George Bush.’ »

Pour les Républicains, l’occasion est trop belle. Les accusations pleuvent: Barack Obama est "soutenu par des terroristes musulmans", peut-être même est-il "musulman lui-même" (cf. ses fréquentations et son deuxième prénom)… Une couverture du New Yorker représentant Obama et son épouse en militants islamistes fait scandale au même moment.

La réplique du candidat est à la mesure des attaques. Il les juge « offensantes » et « diffamatoires » auprès des nombreux médias qui l’invitent à s’expliquer. Sur la chaine d’informations CNN en mai 2008, Obama estime que les Républicains essaient de « duper et d' effrayer » les Américains. Il soutient que « sa position à l’égard du Hamas n’est en rien différente » de celle de John McCain et répète « qu’il s’agit d’une organisation terroriste, que nous ne devrions pas négocier avec eux à moins qu’ils ne reconnaissent Israël, renoncent à la violence, et à moins qu’ils n’acceptent les accords passés entre Palestiniens et Israéliens. »



Soucieux de mettre un terme à la polémique, il fait à Israël une déclaration d’amitié sans équivoque lors d’un discours au Comité américain des affaires publiques d’Israël (AIPAC) en juin 2008. Le candidat ajoute même à propos de son implication dans le processus de paix au Proche-Orient: « Je n’attendrai pas les derniers jours de ma présidence. » (George Bush appréciera) « Je jouerai un rôle actif et prendrai l’engagement personnel de faire tout ce que je peux pour avancer la cause de la paix dès le début de mon administration. »

Deuxième controverse: Le silence ou l'impuissance du président élu

Depuis il y a eu le 4 novembre 2008 et l’élection à la Maison-Blanche. Les vacances à Hawaï et la fin de la trêve entre l’armée israélienne et le Hamas. Puis le 27 décembre et l’offensive « Plomb durci » dans la bande de Gaza. Suivis de onze jours de silence du futur président. Tout juste son conseiller le plus proche, David Axelrod, évoque-t-il sur la chaine de télévision CBS une phase de « consultation » et de « recherche des faits » pour mieux prendre en main le dossier dès sa prise de fonction dès le 20 janvier.

Faute de déclaration, les journalistes relaient la position exprimée sur le site officiel de Barack Obama et spéculent sur ses intentions. Beaucoup le soupçonnent de ne pas pouvoir faire beaucoup plus que son prédécesseur.



Le 6 janvier, Barack Obama s’exprime enfin. Sur CNN, il se dit « profondément préoccupé » par la situation dans la Bande de Gaza et promet d’en faire l’une des priorités de son administration. Son silence, explique-t-il, tient à ce que George Bush reste président jusqu'au 20 janvier 2009.



A peine s’est-il exprimé que les polémiques ressurgissent. Le 8 janvier, le quotidien britannique The Guardian fait état de sources dans l’équipe Obama encourageant le futur président à utiliser les agences américaines de renseignement pour « initier un dialogue de faible intensité ou clandestin » avec le Hamas à Gaza.

Démenti immédiat de l’intéressé, qui rappelle une fois de plus sa position sur le Hamas : une organisation terroriste infréquentable tant qu’elle n’aura pas reconnu Israël et renoncé à la violence. Deux jours plus tard sur la chaine de télévision ABC, il reconnaît le droit d’Israël de « protéger ses citoyens », comme il l’avait fait en juillet dernier lors d’un voyage à Sderot. Il assure être en train de « mettre en place une équipe pour que dès le premier jour, nous disposions des meilleures personnes possibles» pour « s'engager immédiatement dans le processus de paix au Proche-Orient. »

Sénateur, candidat ou président, Barack Obama marche sur des oeufs au Proche-Orient. Mais en s'imposant un silence prudent d'ici au 20 janvier, il suscite déceptions et espoirs dans l'un et l'autre des camps. A défaut de jouer l'homme providentiel, il leur laisse le temps de méditer sa formule: « La paix peut toujours renaître. »

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