mardi 13 janvier 2009

"Raid Gaza" joue-t-il un jeu dangereux?



Ça tire, ça tire... mais c'est une satire.
« Vous avez cinq minutes. Eliminez autant de Palestiniens que possible. Et ne dépensez pas tout votre argent d'un coup... » Bienvenue dans Raid Gaza!, ou comment jouer avec la violence pour mieux lui faire la guerre.

Ce jeu vidéo en ligne vous offre vos étoiles de commandant militaire israélien et les "jouets" qu'il faut pour raser Gaza: lance-missiles, hélicoptères Apache et autres avions de combats. "Votre argent": une pluie de dollars. L'arroseur: l'allié américain.

Raid Gaza! est disponible depuis le 30 décembre sur le portail flash Newsgrounds. Trois jours après le lancement de « Plomb durci », l'offensive israélienne sur la Bande de Gaza. Aux dires de son créateur, la concomittance serait... une coincidence. Le blogueur Ian Bogost l'a interrogé début janvier. Ce créateur cache son nom, mais pas ses intentions: « J'ai commencé (le jeu) il y a un an et demi, lorsque le Hamas lançait des roquettes sur Sderot et qu'Israël a répondu comme il le fait toujours: par l'hyperviolence. »

Difficile d'accuser cet anonyme inspiré de propagande pro-israélienne. Difficile aussi d'accabler Newsgrounds: En 2002, le portail s'était fait un nom en hébergeant Kaboom! dans lequel le joueur prend les habits d'un « kamikaze apparemment palestinien ». A l'époque, la controverse avait fait le tour des blogs.

Second degré de mauvais goût?

Le timing quasi parfait de Raid Gaza! lui réservait un accueil similaire. Depuis son arrivée sur la Toile, le jeu alimente les pages de centaines de blogueurs. Le moment était-il mal ou bien choisi? Un tel jeu se justifie-t-il? Le second degré ne trompe personne mais ne convainc pas toujours.

Mike Fahey sur le « guide de joueurs » Kotaku juge que la plaisanterie « va un peu trop loin ». L'auteur y voit un jeu de mauvais goût servi par une musique « ridicule » avant de conclure, perplexe: « Je suppose que c'est censé être une déclaration politique, mais l'affaire me rend un peu malade. »

Chez d'autres commentateurs, cette prise de position est au coeur du débat. Ian Bogost, le même, salue sur Watercoolergames un jeu qui « à la différence de beaucoup d'autres, est assez jouable et transmet avec succès son message. » Le blogueur développe son avis sur News Games, un blog consacré aux croisements entre médias et jeux vidéos. Raid Gaza! « prend partie contre la justification des attaques israéliennes sur Gaza, les présentant comme non provoquées et qualifiant la réponse d'Israël d'agression ouverte », commente-t-il. Il reconnait au jeu le mérite de susciter des débats.

« Pendant que les gens ont peur, au moins ils écoutent »

Keith Stuart se demande sur un blog du quotidien britannique The Gardian s'il est « acceptable de transformer une tragédie en jeu ». L'auteur y voit une forme pertinente de satire politique, facile à produire et à répandre en ligne. « L'interactivité, qui suscite sans aucun doute le plus de critiques, est un élément intrinsèque » qui « force le joueur à choisir son camp, à choisir un camp. » La satire peut effrayer mais « pendant que les gens ont peu, au moins ils écoutent. »

Sur playtime, Laurent Checola se demande si l'on peut « jouer avec la guerre ». Le blogueur reconnait le droit à la satire mais met en doute la qualité de celle-ci: « Plutôt que les ficelles grossières de Raid Gaza!, on appréciera les critiques acerbes mais éclairées de la Molle Industria (qui produit par exemple le jeu Oiligarchy). »

6,6/10 pour Raid Gaza!

Qu'en pensent les premiers concernés, les joueurs? Sur le portail Newsgrounds, la page du jeu accueille déjà plus de 500 commentaires et des notes de 0 à 10. Moyenne de Raid Gaza!: 6,6.

« Ce jeu est une blague qui souligne les différences en nombre de victimes au mépris complet de la situation sur place, incitant les gens à une position anti-israélienne, »
écrit l'auteur d'un 1/10. A l'autre extrême, un joueur attribue 10 à ce qu'il juge être « un bon moyen de montrer ce qui se passe en ce moment », qualifiant l'offensive israélienne « d'acte de guerre et de terrorisme ». L'auteur suggère ensuite de créer un jeu où l'on pourrait « choisir l'autre côté. »

Souhait exaucé:
Gaza Defender propose déjà de « défendre la Bande de Gaza contre les bombes sionistes avec un AK-47. »

La guerre de Gaza: 971 morts côté palestinien selon Al Jazeera

18ème jour de combats dans la bande de Gaza. La 84ème promotion de l'ESJ se mobilise pour vous faire vivre, minute après minute, l'évolution de la situation cet après-midi.

CopyrightFlickr/cc/AmirFarshadEbrahimi

Voir aussi notre minute par minute d'hier, de ce matin ainsi que notre twitter

17h57 Un nouveau bilan fait état de 971 morts palestiniens à Gaza
Selon le site d'informations arabe Al Jazeera, le bilan de l'offensive israélienne dans la bande de Gaza s'élève ce soir à 971 morts et 4418 blessés, pour la plupart des femmes et des enfants.

17h50 : Sommet de la Ligue arabe : "inapproprié" selon l'Arabie Saoudite
L'Arabie Saoudite juge la tenue d'un sommet extraordinaire sur l'offensive israélienne dans la bande de Gaza "inappropriée", a déclaré un diplomate saoudien à la chaîne de télévision satellitaire Al-Arabiya.

17h32 Sommet de la Ligue arabe : 12 pays confirment leur participation
Le chef de la Ligue arabe, Amr Mussa, affirme la présence d'au moins 12 pays lors du prochain sommet extraordinaire de l'organisation, selon le twitter d'Al Jazeera. Il devrait se tenir à Doha (Qatar), la semaine prochaine.

17h16 Un député ultranationaliste israélien envisage la bombe atomique
"Nous devons combattre le Hamas comme les Etats-Unis ont combattu les Japonais pendant la Deuxième Guerre mondiale", a déclaré le député ultranationaliste et chef du parti d'extrême droite Israël Beitenou, Avigdor Lieberman, faisant allusion à l'utilisation de la bombe atomique.

17h06 18 membres des Frères musulmans arrêtés en Egypte
La police égyptienne a interpellé au moins 18 membres des Frères musulmans alors qu'ils protestaient contre l'offensive israélienne à Gaza.

La confrérie a confirmé les arrestions, sans préciser leur nombre.

16h58 Gaza : un "test pour notre humanité"
La situation dans la bande de Gaza constitue "un test pour notre humanité et pour notre capacité à protéger 1,5 million de personnes" selon les Conventions de Genève, a indiqué à la presse le directeur des opérations à Gaza de l'Agence des Nations Unies pour les Palestiniens (Unrwa).

16h39 Ehud Olmert dit avoir fait plier les Etats-Unis, Washington dément
Selon l'agence de presse Reuters, le premier ministre israélien Ehud Olmert aurait téléphoné à George W. Bush afin que Washington ne vote pas la résolution de cessez-le-feu du Conseil de sécurité de l'ONU.

La Maison blanche parle d' "informations de presse inexactes". Les Etats-Unis se sont finalement abstenus lors du vote de la résolution, par ailleurs adoptée, le 8 janvier dernier.

16h25 Un photographe arrêté par l'armée israélienne
Un photographe d'une agence de presse internationale a été interpellé par Tsahal alors qu'il se trouvait dans une zone militaire fermée par Israël, en bordure de la bande de Gaza.

Depuis le début de l'offense Insraël impose des restrictions à la presse, dans et autour de la bande de Gaza.

15h52 Les enfants palestiniens traumatisés
Les 18 experts du Comité de l'ONU pour les droits de l'enfant dénoncent "les effets dévastateurs des combats à Gaza sur les enfants : ces évènements auront des effets émotionnels et psychologiques graves pour toute une génération d'enfants". Ils rappellent également qu'Israël a signé les textes internationaux interdisant "de prendre pour cible des enfants lors des conflits armés".

Photo Reuters

15h22 Le Hamas pourrait accepter le plan égyptien
Il y a "une chance" que le Hamas accepte le plan de cessez-le-feu égyptien si des modifications y sont apportées, a déclaré le numéro deux du bureau politique du Hamas, sur la chaîne de télévision arabe Al Jazeera.

15h14 : Deux avions français d'aide humanitaire pour Gaza
La France va envoyer 76 tonnes d'aide humanitaire pour venir en aide aux populations de la bande de Gaza. Le premier avion devrait partir demain, le second vendredi a déclaré à la presse le porte-parole du ministère des Affaires étragères, Eric Chevallier.

15h07 La Syrie appelle l'UE à faire pression sur Israël
Le président syrien, Bachar al-Assad, a demandé aux pays européens d' "exercer des pressions" sur Israël pour que cesse son offensive militaire sur Gaza, lors de son entretien avec le chef de la diplomatie espagnole.

"Il est nécessaire que les pays européens redoublent leurs efforts pour exercer des pressions sur Israël afin qu'il lève le blocus sur le peuple palestinien et ouvre tous les points de passage à Gaza" a-t-il déclaré.

14h56 Un palestinien tué : il tentait de voler l'arme d'un soldat israélien
Les forces de sécurité palestiniennes ont abattu un palestinien alors qu'il essayait de s'emparer de l'arme d'un garde-frontières israélien, à Hebron.

14h28 Les forces israéliennes dans les faubourgs de Gaza
L'armée israélienne a pénétré dans les faubourgs de Gaza ce matin, détruisant plusieurs dizaines de maisons sur son passage. L'armée israélienne a reconnu qu'une bataille était en cours, sans donner de précisions. Tsahal n'était encore jamais allé aussi loin dans Gaza.

Pour voir les images de l'attaque de ce matin filmées par la BBC, cliquez ici:
http://news.bbc.co.uk/1/hi/world/middle_east/7826054.stm

14h21 Sommet extraordinaire au Qatar : les pays de la Ligue arabe divisés
Alors que le Qatar réclame la tenue urgente d'un sommet extraordinaire de la Ligue arabe, l'Egypte préfère mener des pourparlers avec les dirigeants des pays arabes de manière non officielle, selon Reuters.

12h17 Israël cherche à "anéantir" le peuple palestinien à Gaza, selon Mahmoud Abbas
En refusant de mettre fin à son offensive dans la bande de Gaza, Israël cherche à "anéantir" le peuple palestinien, a déclaré le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, lors de l'ouverture d'une réunion du Comité exécutif de l'OLP (Organisation de libération de la Palestine).

12h09 Vers un sommet de la Ligue arabe au Qatar
Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a accepté l'invitation à un sommet extraordinaire de la Ligue arabe sur Gaza, qui pourrait se tenir au Qatar.

12h02 L'Iran appelle à rompre toute relation diplomatique avec Israël
Le ministre iranien des Affaires étrangères appelle les Etats à rompre leurs relations diplomatiques avec l'Etat d'Israël pour montrer leur soutien envers les populations palestiniennes à Gaza et faire pression sur l'Etat hébreu.

E.L. et S.G.

Chronologie de l'offensive israélienne à Gaza

C'est le nouveau phénomène du web: les timelines. Ce nouveau genre journalistique permet de représenter un fait d'actualité sur une frise chronologique.

Suivez sur notre frise la chronologie des événements au Proche-Orient depuis le 27 décembre 2008 et les premiers bombardements de Tsahal sur Gaza, le tout enrichi de photos et de vidéos.



La petite taille de notre blog ne permet pas d'apprécier au mieux la frise. Cliquer ici pour la version agrandie.

Guerre de Gaza: ce qu'en pensent les politiques français

Qu'il inquiète ou qu'il soit prétexte à mobiliser les troupes, le conflit en cours à Gaza est commenté par la plupart des partis politiques français. Tour d'horizon.

Le PS reste prudent

Son absence dans les cortèges n'est pas passé inaperçue. Le parti socialiste est l'un des rares partis de gauche à n'avoir pas appelé à rejoindre les manifestations de soutien aux Palestiniens qui ont eu lieu samedi dernier, à Paris et en province. Une position ardemment défendue par Arnaud Montebourg, député et secrétaire national à la rénovation: "Si nous condamnons fermement l'attitude du gouvernement israélien qui a engagé cette offensive et qui ne semble pas vouloir la faire cesser et retirer ses troupes, nous ne pensons pas qu'aujourd'hui aller manifester et risquer des débordements soit la meilleure méthode". Arnaud Montebourg explique aussi ne pas vouloir "risquer de cautionner des mots d'ordre communautaristes".

La position de Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire national du parti à l'international, est un peu plus consensuelle.



Vidéo officielle du Parti socialiste

Les Verts veulent limiter les débordements

Chez les Verts, on revendique au contraire la participation aux manifestations de soutien aux Palestiniens. Djamila Sonzogni, porte-parole du parti, a confié à Mediapart être "très à l'aise dans les manifs, même si c'est vrai qu'on est parfois débordé". Pour le parti écologiste, il est important que les "partis qui s'affichent laïques et pacifiques ne désertent pas les rassemblements."

L'extrême gauche unanime derrière les Palestiniens

A la gauche du PS, le soutien au peuple palestinien fait l'unanimité. En tête, avec la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR/NPA), de la plupart des cortèges le PCF publie sur son site un communiqué sans équivoque et s'indigne de l'"agression meurtrière d'Israël à Gaza".

La LCR/NPA d'Olivier Besancenot se réjouit, par la voix de Pierre-François Grond, membre de la direction du parti, d'être à la pointe du "plus puissant mouvement de solidarité de l'histoire des manifs de soutien à la Palestine". Tout en relativisant les débordements observés (VIDEO?): "Avant de mettre en exergue certains comportements, il convient d'observer la globalité de la mobilisation: il n'y avait pas 123.000 antisémites dans les rues de Paris, et il n'y avait pas la gauche devant et des hordes de barbares derrière."


Débordements en marge de la manifestation à Paris, le 10 janvier. Un drapeau israélien est brûlé.


L'UMP accuse les "apprentis sorciers"

Au sein du parti de la majorité, seul le député Didier Julia est sorti du rang en estimant, dans un communiqué à l'AFP, que l'opération militaire israélienne "d'invasion du ghetto de Gaza tourne maintenant au crime contre l'humanité". Le reste de l'UMP reste sur la position de neutralité défendue par le gouvernement et la diplomatie française qui appellent toujours à un cessez-le-feu immédiat. Le parti de Nicolas Sarkozy déplace la polémique sur un autre terrain, en mettant en garde les responsables politiques "qui jouent aux apprentis sorciers en prenant fait et cause pour tel ou tel camp". Un reproche à peine voilé destiné aux formations d'extrême gauche.

Nouveau dérapage de Le Pen

Un reproche qui pourrait également s'adresser à Jean-Marie Le Pen, bien décidé à capitaliser sur la crise alors que son parti connaît de grandes difficultés. Le leader du FN a comparé, lors d'une conférence de presse, la bande de Gaza à un "camp de concentration dans lequel les gens sont privés des moyens de se défendre". Une sortie qui a suscité de nombreuses réaction. Dans un communiqué, le Conseil représentatif des Juifs de France (Crif) s'insurge et constate que Jean-Marie Le Pen a utilisé une fois de plus en parlant de camp de concentration "le vocabulaire d'amalgame outrancier et mensonger qui est sa marque personnelle depuis longtemps" pour "exister médiatiquement." Autour de Gaza, la bataille des mots ne fait que commencer.

Premières victimes du conflit, les Gazaouites ne savent plus sous quel toit s'abriter

Le bilan humain ne cesse de s'alourdir à Gaza. Dans ce minuscule territoire coupé du reste du monde, le nombre de personnes réfugiées dans les écoles, les bâtiments d'organisations ou chez les proches se multiplie. L'ONU déclare en héberger 30 000 dans ses locaux.

Les Gazaouites survivent plus qu'ils ne vivent depuis 18 jours et le début de l'offensive israélienne. Cloturée par le blocus, la population subit au quotidien les conséquences des attaques militaires.


Mardi 6 janvier, l'armée israélienne bombarde une école de l'ONU. Des images qui font le tour du monde. Bilan: 43 morts et un tollé qui agite la presse internationale.



Maisons détruites

Au-delà des protestations, ce drame souligne l'une des difficultés majeures de la vie des Gazaouites: trouver un logement sûr. Les images de maisons détruites défilent sur les écrans de télévision. Même quand les habitations ne sont pas détruites, les problèmes d'éléctricité et d'eau courante rythment la vie des habitants.

A Jabalyia, le plus grand camp de réfugiés palestiniens situé à l'extrême nord de la bande de Gaza, le correspondant sur place de la BBC témoigne des conditions de vie des habitants.

>> Voir la vidéo.

L'agence des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) à Gaza prend en charge 30 000 Palestiniens qui se retrouvent sans logement. Un article du New York Times paru aujourd'hui estime à 60 000 le nombre de Gazaouites logés chez des proches. Un phénomène qui s'intensifie à grande vitesse: il y a quatre jours, ce chiffre était deux fois moins important, selon l'ONU.

Sur le site de l'UNRWA, les témoignages de réfugiés s'accumulent. A l'image de Najwa Sheikh Ahmed, une mère de famille qui a dû quitter son appartement en bord de mer. Elle raconte ses problèmes pour trouver un lieu sûr pour ses enfants. Un véritable parcours du combattant qui passe par la maison de la belle-famille et les camps de réfugiés.

"Choc psychologique terrible"

La bande de Gaza compte 1,5 million d'habitants, pour une superficie de 360 km². Elle est l'une des zones géographiques les plus densément peuplées, avec environ 4 000 habitants par km².

Les enfants, qui représentent environ la moitié de la population gazaouite, sont plus particulièrement touchés par la tension constante de ces dernières semaines. Pour eux, la situation actuelle représente "un choc psycholgique terrible, estime Abdel-Rahman Ghandour, porte-parole de l'Unicef à Amman. Nous avons de nombreux partenaires chargés de la prise en charge psychosociale des enfants et de leurs familles: ils s'attendent à une multiplication et une aggravation des cas."

«Le problème est que les gens ne pensent à la cause palestinienne que lorsqu’il y a un massacre»

Ce lundi, ambiance houleuse à la Maison régionale de l’Environnement et de la Solidarité. Deux jours après la manifestation de soutien à Gaza, l’Association France-Palestine Solidarité du Nord-Pas-de-Calais fait le point en attendant le prochain rassemblement dimanche 18 janvier au marché de Wazemmes. Reportage.

La plupart des membres se sont félicités du rendez-vous : plus de 10 000 personnes étaient présentes, soit trois fois plus que la semaine précédente. Toutefois, quelques débordements ont été notés. « Il y avait beaucoup de jeunes très énervés, explique Sarah, membre de l’association. Certains d’entre eux scandaient des propos violents, criaient « Vive le Hezbollah » ou encore « Rangez les mouchoirs, sortez les armes » , c’est dommage. ». À sa droite, une femme s’indigne : « Non, les jeunes ont été exemplaires ! J’ai vu des policiers de la BAC de Tourcoing entraîner certains d’entre eux dans des abribus. Ils les ont obligés à retirer leurs keffiehs. C’est eux qui les ont provoqués. »

Tous sont néanmoins d’accord sur une chose : trop peu de jeunes « blancs » étaient présents à la manifestation. Pour les attirer, certains ont évoqué l’idée d’un concert du groupe MAP (Ministère des Affaires Populaires) en marge des prochains évènements.

« Les slogans n'ont rien d'antisémites »

Autre point qui fâche : l’attitude des élus de la région. « Le PS est pro israélien », annonce d’emblée l’un des participants. Tout le monde semble d’accord. Plusieurs élus, dont Gilles Pargneaux, maire d’Hellemmes et premier secrétaire de la fédération socialiste du Nord, ont mis en garde l’AFPS contre des risques de dérapage antisémite. Le ton monte lorsqu’on évoque ce sujet, d’autant plus que la plupart des membres présents à la réunion sont affiliés à des partis d’extrême-gauche : « Ils trouvent les slogans des bannières trop radicaux, mais ils n’ont rien d’antisémites et si on cède là-dessus, c’est tout le contenu de nos revendications qu’on remet en question. »

Pour Abdallah, assis au fond de la salle, « Ce qui se passe aujourd’hui, ce n’est pas un mouvement régional. La France entière manifeste contre le massacre, le monde entier crie « Israël assassin ». Au gouvernement de suivre le peuple. Pour Ingrid Bétancourt, pour le Tibet, tout le monde était motivé. Aujourd’hui, il n’y a plus personne. »

Boycott des produits israéliens?

Le président de l’AFPS du Nord-Pas-de-Calais, Jean-François Larosière, explique que le but premier de l’association est de continuer la lutte pour peser sur les pouvoirs publics. « Les autorités françaises gardent les bras croisés pendant que les Palestiniens se font massacrer, c’est inadmissible. » Alors en plus des manifestations, l’association prévoit d’organiser des réunions publiques, de distribuer des tracts encore plus nombreux, de faire circuler des pétitions, ou encore de valoriser le jumelage de Lille avec la ville de Naplouse. L’idée d’un boycott des produits israéliens est également envisagée.

Nabil El-Haggar, vice-président de l’Université des Sciences et Technologies de Lille,(voir vidéo ci-dessous), estime que « le problème est que les gens ne pensent à la cause palestinienne que lorsqu’il y a un massacre. Il faudrait que cette cause soit omniprésente dans leurs esprits. » Avant de rajouter : « D’ailleurs, on ne parle ici que de la violence physique. Mais il ne faut pas oublier les autres formes de violence. Les blocus, la colonisation de la Cisjordanie, ça aussi, c’est de la violence. Et c’est ce qui est à l’origine du conflit.»




Safar Baroud

Facebook, nouvelle frontière dans la bande de Gaza

Le champ de bataille s'élargit au-delà de la bande de Gaza. Facebook, le plus grand réseau social sur Internet, est accaparé par les pro-palestiniens et pro-israéliens.

Pour rappel, Facebook a 150 millions de membres dans le monde, dont la moitié visite le site tous les jours. En plus de créer son réseau social d'amis, on peut y créer des groupes, des campagnes de levée de fonds, ajouter des images, des vidéos et desfonctionalités de tous genres. Des outils utiles pour tout militant dégourdi.

De l'utilisateur au militant

Le groupe pro-Hamas "Stop Genocide in Palestine" a plus de 117 500 membres (fermé depuis ce lundi). Des centaines d'autres groupes similaires existent, mais également de l'autre côté : "I Support the Israel Defense Forces in Preventing Terror Attacks from Gaza " a plus de 74 000 membres. 10 000 de plus que ce lundi. Le but est souvent tout simplement d'avoir le plus grand nombre de membres.

Certains usagers ont remplacé leur photo-portrait de leur profil avec des drapeaux palestiniens ou israéliens. D'autres ont donné à la cause leur statut Facebook; ce petit champ de texte que chaque usager utilise pour informer instantanément leurs amis sur leur état d'esprit ou leur activité du jour. Par exemple, un résident de Tel Aviv a developpé l'application QassamCount qui change le statut de ceux qui le souhaite avec le dernier compte des missiles qui percutent l'Israël.

Facebook en perte de contrôle

Selon les règles d'utilisation Facebook, un contenu à caractère haineux ou qui appelle à la violence n'est pas permis au risque de se faire expulser. Avec seulement 800 employés, Facebook a mis à disposition de ses usagers des outils pour s'autoréglementer. Ceux-ci fonctionnent bien pour la pornographie infantile, mais pas nécessairement pour un sujet qui divise. Du coup, Facebook doit de jouer les policiers. Des groupes sont maintenants fermés, des comptes d'usagers également. Aucun réseau social ne semble être à l'abri, comme Youtube, Flickr, MySpace, etc.

Du côté israélien, des groupes de militants habitués des réseaux sociaux se formalisent même. En forme de protestation, la Jewish Internet Defence Force a piraté des groupes Facebook pro-Hamas. Par ailleurs, ils alertent Facebook des abus du camp opposé.

L'idéologie Facebook tachée

Dans son premier billet de l'année sur le blog officiel, le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, écrit: "Le potentiel ultime du web est d'ouvrir le monde sur lui-même afin que chacun ait une voix et puisse partager ce qui lui semble important." Le monde est ouvert, certes, mais peut-être pas sur lui-même.

K.S.G.

Al-Jazeera propose une cartographie du conflit

Le site Internet de la chaîne de télévision qatarie, Al-Jazeera, propose une cartographie de la guerre de Gaza.
Blessés et tués des deux camps sont localisés, de même que les tirs de rockets du Hamas et les bombardements de Tsahal.

Capture d'écran, site Internet d'Al-Jazeera.

E. B.

Phosphore blanc : Tsahal n'éteint pas la polémique

Depuis le 27 décembre 2008, date du début du conflit à Gaza, l’opération baptisée "Plomb durci" aurait fait plus de 930 victimes palestiniennes. Un collectif d’une soixantaine d’associations, dont le MRAP, a porté plainte lundi pour "crime de guerre contre la population palestinienne".

Tsahal prend-t-il toutes les précautions possibles pour protéger les civils gazaouites ? Non, selon l’organisation humanitaire Human Rights Watch (HRW), qui a fustigé samedi dernier l’emploi de munitions au phosphore blanc par Israël.

Les obus au phosphore sont des projectiles incendiaires qui dégagent une intense fumée blanche permettant de couvrir l’assaut de ses soldats. Seul l'absence d'oxygène peut mettre fin à la combustion de la gerbe.

Un missile tiré par les militaires israéliens explose dans le ciel.
Nord de la bande de Gaza, 3 janvier, AP Photo/Bernat Armangue.

Le caractère fumigène des bombes à phosphore fait de ces munitions des armes stratégiques, employées notamment par les Etats-Unis en 1944 sur Cherbourg, et durant la guerre du Viêt-Nam, où le phosphore blanc, White Phosporus (WP) en anglais, acquiert son surnom de "Willy Pete".

Skake ‘n bake

Plus récemment, les GI’s ont employé le "Willy Pete" au cours de l’attaque de Falloujah (Irak) en novembre 2004. Problème : loin de servir de camouflage, l’arme est utilisée pour débusquer les insurgés de leur cache et les exposer aux tirs de l’artillerie. La tactique du Skake ‘n bake ("secouer et cuire" en anglais) est assumée par trois gradés américains , auteurs de l’article "The fight for Fallujah" ("Le combat pour Fallujah", télécharger ici en PDF), parus dans les colonnes de la revue de l’armée américaine au printemps 2005. Le WP y est qualifié de "puissante arme psychologique", citation relayée par l'analyse de la BBC.

Pour le premier anniversaire de l’assaut sur Falloujah, la télévision italienne, la RAI, a diffusé le documentaire de Sigfrido Ranucci et Maurizio Torrealtan, intitulé "Le massacre caché de Falluja", dans lequel Jeff Englehart, ex soldat US, témoigne.



Face aux images, le Pentagone reconnaîtra l’emploi du "Willy Pete". L’usage par Tsahal du phosphore blanc ne serait pas sans précédent : en 2006, l’armée israélienne a reconnu l’emploi du phosphore blanc lors de l’opération baptisée… "Pluie d’été" au Liban.

4 000 habitants au km2

De la même façon que rien n’empêche les USA d’utiliser le phosphore blanc, Israël ne violerait aucun traité international si l’usage de ce qui rappelle le napalm, était avéré. Israël n’est pas signataire de la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. Adopté à Genève en 1980 et entré en vigueur trois ans plus tard, le texte statue sur les armes incendiaires au sein de son Protocole III.

L’article 2 prévoit l’interdiction "(…) de faire de la population civile en tant que telle, de civils isolés ou de biens de caractère civil l'objet d'une attaque au moyen d'armes incendiaires", de la même façon qu’il est interdit en toute circonstances "de faire d'un objectif militaire situé à l'intérieur d'une concentration de civils l'objet d'une attaque au moyen d'armes incendiaires (…)".

C’est ici que le bât blesse : le phosphore blanc ne permet pas de frappes chirurgicales. L’ONG HRW explique dans un communiqué que "(...) la possibilité de blesser des civils (à Gaza) est plus importante du fait de la forte densité de population (...), parmi les plus élevées du monde", i.e. plus de 4000 habitants au km2.

L’argument a convaincu la France qui s’est associée à HRW pour appeler Israël à renoncer aux obus incendiaires "du fait notamment de leur toxicité et de la densité de la population à Gaza", comme l’a indiqué hier le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Eric Chevallier.

Cobayes

L’appel est un vœu pieux, car Israël ne reconnaît pas explicitement l’usage du phosphore blanc. Mark Regev, porte-parole du premier ministre Ehud Olmert, a affirmé que Tsahal n’utilisait que des armes légales, identiques à celles employées par les armées occidentales, "(…) y compris par les membres de l’Otan", a-t-il insisté.

L’officiel ne sera pas contredit par les journalistes, empêchés de pénétrer à Gaza, mais par les médecins et humanitaires, les seuls au contact des victimes civiles palestiniennes. Le docteur Youssef Abou Rich de l'hôpital Nasser, à Khan Younès, est formel : il a été confronté aux ravages particuliers du phosphore blanc. Il raconte à l’AFP que 55 personnes vivant près du village de Khouzaa (sud de la bande de Gaza), ont été admises pour des brûlures, des difficultés respiratoires et des irritations de la gorge et des yeux, causées par la fumée blanche de bombardements survenus dimanche, après minuit. Le témoignage du Palestinien est à ajouter aux témoignages des victimes qui ont vu leur membres fondre, leur peau se décoller au contact d’une fumée blanche. Surtout, deux médecins occidentaux ont dénoncé l’utilisation d’un nouveau type d’explosifs, particulièrement dévastateurs, faisant des civils gazaouites, les cobayes de Tsahal.

Dense Inert Metal Explosive

Mas Gilbert et Erik Fosse n’ont pas attendu pour témoigner : la conférence de presse que les deux docteurs ont tenu à leur retour de Gaza, a eu lieu à l’aéroport Gardermoen d’Oslo. A Gaza depuis le 31 décembre pour le compte de l'association humanitaire norvégienne NORWAC, une organisation non-gouvernementale pro-palestinienne, ils pensent avoir fait face à une arme d’un nouveau genre, appelée DIME, pour Dense Inert Metal Explosive.

Mas Gilbert (g) et Erik Fosse (d), Oslo, 2009, AFP.

"Nous n'avons pas vu de brûlures au phosphore, ni de blessés par bombes à sous-munitions", ont-ils déclaré à l'AFP, mais, "(...) un certain nombre d'amputations extrêmement brutales (...) sans blessures par éclats (…)", parmi les blessés admis à l'hôpital Al-Shifa de Gaza, où ils ont travaillé. L’AFP explique que "Les armes DIME combinent un explosif, des particules de carbone et une poudre d'un alliage de métaux lourds et de tungstène (…) qui sert à contenir le souffle de l'explosion dans un rayon relativement restreint afin de limiter les dommages collatéraux.

Voilà peut-être pour Tsahal, la réponse au manque de précision du phosphore blanc...

E. B.

Guerre à Gaza : "Il y a deux champs de bataille, un sur le terrain et un sur le Web"

Interview d'Ouriel Ohayon, rédacteur en chef de Techcrunch France et blogueur vivant à Tel-Aviv.

photo de arikfr

Assiste-t-on à une guerre des images sur internet ?

Ce n'est pas une guerre des images, c'est une guerre tout court. Il y a deux champs de bataille, un sur le terrain, par une armée contre une armée non organisée mais bien réelle, et un sur un territoire d'expression libre et ouvert à tout le monde, le Web. Or, pour la première fois dans une guerre, le gouvernement israélien a décidé, à juste titre, de mieux commmuniquer avec sa population et ceux qui s'intéressent au sujet [NDLR : voir groupe youtube de Tsahal]. Avec les nombreux canaux d'expression qui permettent à chacun de donner son avis, cela a donné une autre dimension à la guerre. Et c'est une vraie bataille, dans la mesure où des hackers, affiliés ou pas au hamas, piratent des sites israéliens.

Ce type d'actions existe-t-il dans l'autre sens aussi ?

Oui, mais ce n'est pas une tentative de piratage, c'est une manière de répondre. En Israël, les sites piratés sont des sites de banques ou d'hôpitaux, alors que dans l'autre sens il s'agit de sites eux-mêmes pirates, du Hamas.

Les guerres médiatiques et virtuelles sont-elles liées ?

Elles sont parallèlles, et d'une égale importance. L'influence n'est qu'indirecte. Les faits sur le terrain ont un impact sur internet via les images et les messages, et ce que les gens disent sur la toile peut avoir un impact sur l'opinion publique, mais qui ne doit pas être surestimé.

Quel est l'enjeu de cette guerre virtuelle dans ce cas ?

C'est un enjeu informel, d'abord sur l'opinion publique. il faut minimiser l'impact de la guerre, or Israël part avec d'énormes handicaps sur internet : on pratique la censure naturelle de tout ce qui a rapport avec la guerre, pour protéger l'armée et pour respecter la vie privée et les morts. Jamais on ne montre les morts à a télévision, contrairement au Hamas qui n'a aucune pudeur.

Que pensez-vous des vidéos qui circulent sur des enfants pris comme boucliers par le Hamas ?

C'est un fait, prouvé, éprouvé, le Hamas utilise des enfants comme boucliers humains, des Palestiniens eux-même en témoignent. Toutes les vidéos ne le montrent pas de manière forcément claire, mais c'est une réalité qu'on ne peut pas nier.

Sur votre blog, vous conseillez au gouvernement de laisser des bloggeurs aller en reportage avec l'armée. Pourquoi des blogueurs et pas des journalistes ?

Cela permettrait de donner un accès à des zones pas forcément couvertes, parce que la censure, à force, se nuit à elle-même. Il y a des volontaires, pas forcément des civils, mais plutôt des militaires, qui pourraient aller sur le terrain : dans des villes qui subissent des bombardements, à la frontière, dans des camps en zone sûre... Sans se mettre en danger.
Laisser aller des gens dont la profession n'est pas de faire du reportage aurait un impact bien plus fort que le reportage lui-même, car il serait fondé sur le principe de la réalité, retransmise à l'état brut sans filtre, avec des points de vue subjectifs, pas anesthésiés, en transparence totale. Beaucoup de gens pourraient se les approprier et les relayer.

Est-ce que les images des victimes palestiennes sont diffusées sur les chaînes israéliennes ?

Bien sûr, et ces pertes de civils sont toujours vécues de manière dramatique des deux côtés. Contrairement à ce que l'on peut imaginer, et à ce qui se passe du côté du Hamas, on ne fait pas la fête quand on voit des enfants morts.
Mais Tsahal cible uniquement des zones armées. Malheureusement Gaza a une forte densité humaine, et les victimes civiles constituent une réalité dans toute guerre. D'autant plus quand les civils sont utilisés comme boucliers. Hier encore on a découvert une école palestinienne piégée avec 200 kilos d'explosifs, et aussi une mosquée... Dans le but d'avoir des images choquantes à montrer.
Soyons clairs : si Israël le voulait, avec la puissance de feu dont elle dispose, elle
aurait rayé Gaza de la carte depuis très longtemps.

Le Hamas peut-il perdre sur le terrain et gagner sur la toile ?

Même s'ils gagnent la guerre des images, la sympathie à court terme c'est bien, mais les gens ont peu de mémoire, ils manifestent maintenant, mais après ils vont oublier à nouveau. Peu de personnes ont vraiment le souci de ce que les Palestiniens vont vraiment devenir au bout du compte.

C'est un des enjeux de l'affrontement sur la toile ?

Ce n'est pas tellement une guerre contre le terrorisme qui se passe sur le web, c'est une guerre contre l'ignorance, c'est aberrant de voir que les gens réagissent sans connaître le contexte. Ils sont surexposés à des images chocs, sans comprendre qui a été tué par qui. L'enjeu est de lutter contre la paresse intellectuelle.

Propos recueillis par Julie Jammot

Guerre de Gaza sur le net : à qui profite l'image ?

Trous d'obus contre corps sanglants. Images, interprétations et contre-interprétations s'affrontent sur le net, qui est devenu le second front, virtuel celui-ci, de cette guerre.

Emblématique de la confusion qui règne sur la toile entre pro-palestiniens et pro-israéliens, cette vidéo, postée sur youtube en août 2006. Un homme agrippe un enfant par le bras et le traîne à l'écart, d'un groupe d'hommes armés à un autre. La vidéo s'intitule "Armed palestinian terrorists using children as human shield" (des Palestiens armés utilisent des enfants comme boucliers humains).



(La vidéo existe dans de nombreuses versions dont certaines ont été retirées de youtube, il est donc possible que celle que nous publions disparaisse prochainement)

La vidéo sert manifestement le discours israélien, accusant les terroristes palestiniens, notamment du Hamas, de sacrifier des enfants. Dans les commentaires laissés par les internautes, majoritairement pro-palestiniens, deux visions s'affrontent : soit le titre reflète effectivement le contenu, soit cela montre juste un homme écartant un enfant de la ligne de tir.

Or cette vidéo, qui aurait pu tomber dans l'oubli, est revenue sur le devant de l'écran avec le déclenchement de l'offensive israélienne et la recrudescence de la propagande des deux côtés. Elle a ainsi circulé sur Facebook et des sites pro-israéliens l'ont mise en exergue.

Interprétations, contradictions

Côté pro-israélien, les lectures sont parfois embrouillées. D'après le site canadien pro-israélien "Point de bascule", cette vidéo figurerait des enfants placés en exprès en ligne de mire, pour les faire tuer et in fine en faire des martyrs "dans le but d’attirer la sympathie internationale pour la cause palestinienne et la condamnation d’Israël". Difficile de déterminer à qui profite l'image.

Dans d'autres vidéos, tout aussi ambiguës, ce sont les soldats israéliens qui sont accusés de prendre des enfants comme boucliers humains. Là encore, le titre est plus fort que l'image.

Pour François Jost, interviewé par 20minutes.fr, les Palestiniens gagnent la guerre des images, car c'est à Gaza qu'on voit des victimes, tandis que les images impersonnelles qui nous parviennent d'Israël ne sont pas de nature à attirer autant de sympathie. Or "la vérification et la prise de distance avec ces images sont souvent secondaires dans les conflits vécus de manière aussi passionnelle", explique le directeur du centre d'études sur les images et les sons médiatiques.

Surabondance d'images ne nuit pas

Acrimed ne l'entend pas de la même oreille. L'observatoire des médias sur le net, plutôt enclin à soutenir les Palestiniens, considère que la surabondance de reportages à Sderot (les journalistes ne pouvant passer la frontière), et l'absence de témoignages palestiniens contribuent à légitimer l'offensive israélienne.

D'autres images que celles des explosions et des corps des victimes sont relayées sur les écrans : les manifestations de soutien à Gaza ou aux Israéliens se multiplient en Europe et aux Etats-Unis, charriant avec elles l'éternelle guerre des nombres entre police et organisateurs. Des images qui sont parfois vues par le petit bout de la lorgnette : focalisations sur des militants pro-palestiniens qui appellent à la destruction d'Israël, ou sur des élus politiques présents à une manifestation pro-israélienne et absents des manifestations pro-palestiniennes, etc.

Pour un point de vue israélien sur la guerre médiatique, voir l'interview d'Ouriel Ohayon.

Julie Jammot

Obama et l'offensive à Gaza: ce que son silence veut dire


Barack Obama rencontre le président israélien Ariel Sharon lors de sa visite en Israël en juillet 2008 (David Katz/Obama for America)

Samedi 27 décembre 2008. Barack Obama est à Hawaï. En vacances. Au même moment, la trêve se brise à Gaza. En guerre. Israël fait parler le plomb dans ce territoire palestinien. Ses avions bombardent des dizaines de sites présumés du mouvement islamiste Hamas. Ce 27 décembre, le président américain élu enregistre son message hebdomadaire. Il parle de crise économique, du « siège vide » à la table des foyers américains dont un proche fête Noël au loin. Rien sur Gaza, ou peut-être cette leçon d’optimisme en guise de conclusion : « L'espoir perdure, et la paix peut toujours renaître. »

Le futur président sait qu’il sera bientôt sommé de se prononcer sur l’offensive israélienne, le Hamas et la paix au Proche-Orient. Il connaît l’exercice pour l’avoir souvent affronté lors des primaires démocrates et de sa campagne électorale. Pendant onze jours, jusqu’au 6 janvier 2009, il choisit la première des prudences : le silence. Sans doute se souvient-il des polémiques qu’avaient suscitées ses déclarations de campagne. Ses adversaires l’ont tantôt qualifié de « candidat du Hamas » ou de « girouette » sur un dossier majeur de politique étrangère américaine.

Un bref inventaire de trois ans de déclarations sur la question met en lumière le « problème israélien » d’Obama (l’expression est courante chez les éditorialistes américains) : A force de prudence, la position du sénateur devenu candidat, puis président, risque l’ambiguïté.

L'avant-campagne: Le sénateur Obama « coude à coude » avec Israël

Comme la plupart de ses collègues démocrates sur Capitol Hill, le sénateur Obama pointe du doigt l’indolence de l’administration Bush sur le dossier israélo-palestinien. Plus que sa voix, ce sont d’abord ses votes qui portent ses positions. Lorsqu’Israël affronte le Hezbollah libanais à l’été 2006, Barack Obama vote une résolution qui soutient le droit du premier à l’autodéfense et condamne le second, en même temps que le Hamas palestinien. La même année, le sénateur soutient la Loi contre le terrorisme palestinien au Congrès. Le texte dénie tout contact ou aide internationale au Hamas tant que ce dernier refuse de reconnaître Israël, de désarmer et d’abandonner la violence.

En février 2007, Barack Obama ne fait pas plus mystère de ses ambitions présidentielles que de son soutien à Israël. Lors d’un discours au Conseil national démocrate juif (NJDC), il promet ainsi : « Lorsque je serai président, les Etats-Unis se tiendront coude à coude avec Israël. » En retour, le NJDC lui reconnaît un « parfait historique de vote pro-Israël au Sénat » et soutient sa candidature à la Maison-Blanche.

Quatre mois plus tard lors d’un sommet en Egypte, Barack Obama précise son sentiment. Jugeant que « l’absence de leadership américain dans le passé a ouvert la porte aux extrémismes en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza », il défend un « leadership présidentiel direct » pour « s’assurer que les Européens maintiennent leur isolation du Hamas, pousser l’Egypte à faire tout ce qui est possible pour prévenir la contrebande d’armes à Gaza et pour encourager les autres Etats arabes à apporter leur soutien politique au Président (palestinien Mahmoud) Abbas et au Premier ministre (Salam) Fayyad ainsi qu'une aide humanitaire aux Gazaouis qui ne passe pas par les institutions du Hamas. » Dans un discours à Cleveland en février 2008, il réitère sa position à l’égard des islamistes palestiniens (pas de contacts tant que le Hamas se refuse à reconnaître Israël et à délaisser la violence).

Première controverse: La position du candidat Obama sur le Hamas

Or, c’est sur cette cible que les adversaires d’Obama lanceront leurs flèches. Il y a d’abord le soutien revendiqué de nombreux Palestiniens de Gaza, parfois membres ou soutiens du Hamas, pour sa candidature à la Maison-Blanche. La chaine de télévision arabe Al-Jazeera consacre un reportage au sujet en mars 2008.



Nouveau tollé lorsqu’Obama déclare « comprendre » ces soutiens dans un entretien au magazine The Atlantic : « Il est concevable que certains dans le monde arabe se disent ‘Voici un homme qui a passé un certain temps dans le monde musulman, dont le deuxième prénom est Hussein et qui semble plus conscient du monde et a appelé à parler aux gens, et qui ne s’engagera donc pas dans la même genre de diplomatie cowboy que George Bush.’ »

Pour les Républicains, l’occasion est trop belle. Les accusations pleuvent: Barack Obama est "soutenu par des terroristes musulmans", peut-être même est-il "musulman lui-même" (cf. ses fréquentations et son deuxième prénom)… Une couverture du New Yorker représentant Obama et son épouse en militants islamistes fait scandale au même moment.

La réplique du candidat est à la mesure des attaques. Il les juge « offensantes » et « diffamatoires » auprès des nombreux médias qui l’invitent à s’expliquer. Sur la chaine d’informations CNN en mai 2008, Obama estime que les Républicains essaient de « duper et d' effrayer » les Américains. Il soutient que « sa position à l’égard du Hamas n’est en rien différente » de celle de John McCain et répète « qu’il s’agit d’une organisation terroriste, que nous ne devrions pas négocier avec eux à moins qu’ils ne reconnaissent Israël, renoncent à la violence, et à moins qu’ils n’acceptent les accords passés entre Palestiniens et Israéliens. »



Soucieux de mettre un terme à la polémique, il fait à Israël une déclaration d’amitié sans équivoque lors d’un discours au Comité américain des affaires publiques d’Israël (AIPAC) en juin 2008. Le candidat ajoute même à propos de son implication dans le processus de paix au Proche-Orient: « Je n’attendrai pas les derniers jours de ma présidence. » (George Bush appréciera) « Je jouerai un rôle actif et prendrai l’engagement personnel de faire tout ce que je peux pour avancer la cause de la paix dès le début de mon administration. »

Deuxième controverse: Le silence ou l'impuissance du président élu

Depuis il y a eu le 4 novembre 2008 et l’élection à la Maison-Blanche. Les vacances à Hawaï et la fin de la trêve entre l’armée israélienne et le Hamas. Puis le 27 décembre et l’offensive « Plomb durci » dans la bande de Gaza. Suivis de onze jours de silence du futur président. Tout juste son conseiller le plus proche, David Axelrod, évoque-t-il sur la chaine de télévision CBS une phase de « consultation » et de « recherche des faits » pour mieux prendre en main le dossier dès sa prise de fonction dès le 20 janvier.

Faute de déclaration, les journalistes relaient la position exprimée sur le site officiel de Barack Obama et spéculent sur ses intentions. Beaucoup le soupçonnent de ne pas pouvoir faire beaucoup plus que son prédécesseur.



Le 6 janvier, Barack Obama s’exprime enfin. Sur CNN, il se dit « profondément préoccupé » par la situation dans la Bande de Gaza et promet d’en faire l’une des priorités de son administration. Son silence, explique-t-il, tient à ce que George Bush reste président jusqu'au 20 janvier 2009.



A peine s’est-il exprimé que les polémiques ressurgissent. Le 8 janvier, le quotidien britannique The Guardian fait état de sources dans l’équipe Obama encourageant le futur président à utiliser les agences américaines de renseignement pour « initier un dialogue de faible intensité ou clandestin » avec le Hamas à Gaza.

Démenti immédiat de l’intéressé, qui rappelle une fois de plus sa position sur le Hamas : une organisation terroriste infréquentable tant qu’elle n’aura pas reconnu Israël et renoncé à la violence. Deux jours plus tard sur la chaine de télévision ABC, il reconnaît le droit d’Israël de « protéger ses citoyens », comme il l’avait fait en juillet dernier lors d’un voyage à Sderot. Il assure être en train de « mettre en place une équipe pour que dès le premier jour, nous disposions des meilleures personnes possibles» pour « s'engager immédiatement dans le processus de paix au Proche-Orient. »

Sénateur, candidat ou président, Barack Obama marche sur des oeufs au Proche-Orient. Mais en s'imposant un silence prudent d'ici au 20 janvier, il suscite déceptions et espoirs dans l'un et l'autre des camps. A défaut de jouer l'homme providentiel, il leur laisse le temps de méditer sa formule: « La paix peut toujours renaître. »